Philosophe, romancier et dramaturge français.
(17 janvier 1937, Rabat)
De quoi Alain Badiou est-il le nom ? (interview 2oo9 / Rue89)
"On a avancé plusieurs dénominations là-dessus, euh ... le nom de la radicalité contemporaine, le dernier survivant d’une époque disparue, le vieux dinosaure, ... écoutez, je crois que je suis le ... le ... pfff ... Je vais vous dire ma tentative en tout cas ! La tentative qui est mon image de moi, mon idéal du moi comme dirait les psychanalistes.
Mon idéal du moi, c’est d’être celui qui transmet quelque chose dans les temps nouveaux. Celui qui a une expérience, une formation, quasiment au sens du roman de formation, roman de formation qui a traversé des épisodes intellectuels très denses, à l’époque du structuralisme et même déjà de Sartre. Quelqu’un qui a traversé des périodes politiques et pratiques très denses aussi dans toutes les années qui ont suivies mai 68, et qui a élaboré à partir de là un point de vue suffisamment cohérent, consistant et résistant, pour pouvoir le transmettre.
Ça je pense c’est une fonction de la philosophie. Quand Hegel dit "la philosophie vient toujours trop tard", vient toujours à la tombée de la nuit, il veut dire que sa fonction est moins d’être l’action du temps - ça c’est la politique, c’est la poésie, c’est l’engagement, la vie personnelle - que le concentré, le bilan, à partir duquel quelque chose d’autre va pouvoir s’ouvrir. Et donc je dirai que je suis, à la charnière du 20e et du 21e siècle, celui qui a donné une forme suffisante à ce qui a eu lieu avant pour qu’on puisse aujourd’hui le transmettre et le discuter. Pour cela, naturellement, il fallait rester fidèle tout de même, un peu, à ce qui avait eu lieu avant. Je suis celui qui est resté fidèle à cela, qui lui a donné une nouvelle forme, et qui le donne aux autres. Ceux qui ont été infidèles, ils ne donnent rien parce qu’ils ne font que refléter ce qui se passe. Voilà, c’est comme ça que je me verrais. Donc, comme un philosophe, finalement, en ce sens-là."