Blog-note de jef safi

 

sidération

t’CG : théorie pataphysique de la Créativité Générale

Métaphysique ↓→ Ontologie Monadologie Phénoménologie →↑ Cosmogonie

hic Δ nunc ↓→ Monade Phénome Phénomène Univers →↑ Multivers


P r o p o s i t i o n s

- Par sidération, j’entends le processus par lequel l’homéostasie de la monade peut-être paralysée durablement, voire fatalement, par l’impact d’une in-formation issue de son milieu extérieur, quand cette in-formation est telle que la monade qui en forme un percept ne peut en évaluer le poids bon Δ mauvais (au regard de ses affects), ni ne peut en évaluer le poids vrai Δ faux (au regard de ses concepts, soit qu’ils soient déficients, inadéquates, etc., soit qu’ils soient multiples mais contradictoires, incohérents, discordants, etc.)

- Par suite, par sidération j’entends également l’état dans lequel cette monade est forcée à son insu, paralysée, tétanisée, pétrifiée, choquée (au sens de l’état de choc), etc., tant qu’elle ne rencontre pas une opportunité d’en sortir, que ce soit par sa puissance propre ou par des puissances exercées depusi son milieu extérieur (depuis son habitus).

- L’état de sidération d’une monade suppose que celle-ci exerce et/ou fait l’expérience "effective", fût-ce vainement, de sa puissance (a minima affective et cognitive). L’état de sidération est donc a minima celui d’une monade de la classe phénome.

- L’état de sidération du phénome est un état métastable en tant qu’il est un état que le phénome doit quitter pour retrouver son efficience homéostasique et se reconnaître de nouveau persévérer en lui-même, c’est-à-dire dans son devenir. Si l’état de sidération perdure, altérant ses puissances perceptive, affective et cognitive, il peut lui être fatal et le faire revenir alors au stade de la monade simple, voire l’épuiser substantiellement et le désagréger dans le flux entropique de son milieu extérieur.

- Le phénome en état de sidération peut rétablir son efficience homéostasique en exerçant et/ou faisant l’expérience de sa puissance (hylétique, perceptive, affective et cognitive), pour entretenir par réminiscence (par anamnèse) la consistance de sa mémoire (de sa mémoire endo-hylétique, de ses percepts, de ses affects, de ses concepts et de ses hypomnemata), de telle sorte que la répétition d’une in-formation semblable induise un état de sidération de moins en moins intense, de moins en moins durable, et donc potentiellement de moins en moins létal. À cette fin, le phénome peut développer plusieurs stratégies.

- J’entends énoncer ici ces stratégies, les quatre modes fondamentaux non-exclusifs de réaction à la sidération, c’est-à-dire de rétablissement de l’efficience homéostasique d’un phénome sidéré, processus de réaction qu’on peut nommer dé-sidération, ré-organisation (auto-organisation par le bruit), re-territorialisation, re-construction, re-substruction du désir, etc., suivant qu’on considère le processus individuel ou individué, et suivant qu’on le considère agissant sur le milieu intérieur ou le milieu extérieur du phénome :

  • Dé-sidération individuelle intérieure.
    Si l’in-formation sidérante se répète souvent mais sans détruire le phénome, alors petit à petit il la reconnaît. À chaque répétition, de moins en moins déstabilisante, le phénome évalue et associe un poids bon Δ mauvais à cet affect. S’il dispose d’une puissance et d’une mémoire cognitives, alors petit à petit il s’en fait une idée, se l’explique par ses effets, en infère des causes à travers les in-formations concomittantes ou apparemment corrélées causalement, etc. En somme, au fil des répétitions, il la conceptualise et affecte au concept associé un poids vrai Δ faux. Elle ne le surprend plus, ne le sidère plus. Le phénome exerçant sa puissance affective et/ou cognitive a élaboré une mémoire de l’in-formation. Il a retrouvé son efficience homéostasique au fil des répétions de cette in-formation qui, d’abord sidérante, est désormais re-connue.
  • Individuel extérieur. .../...
  • Individué intérieur. .../...
  • Individué extérieur. .../...

C o r o l l a i r e s

- Ainsi la sidération est-elle en premier lieu une in-formation, une trans-in-formation, dés-organisante, dé-territorialisante, dé-constructrice, etc., susceptible d’atteindre, d’affecter jusqu’à mettre en péril l’intégrité de la mémoire de la monade (en tout ou partie de ses composantes mnésiques : hylétique, perceptive, affective et cognitive).

- L’émergence d’une capacité de sidération de la part d’une monade simple, dès lors que celle-ci développe a minima une mémoire et une puissance affectives suffisante pour être dé-sidérée, est la manifestation de l’émergence de cette monade simple en phénome. Autrement dit, une monade dé-sidérée est a minima un phénome.

- .../...

S c o l i e s

- Il convient de bien distinguer la sidération du dérangement. Une in-formation à même de surpendre une monade simple et donc un phénome (puisque tout phénome est une monade), ne peut cependant sidérer que le phénome. L’état de sidération est un état du phénome que ne peut pas prendre une monade simple ; il suppose a minima une mémoire et une puissance affective.

- La sidération, état ou processus, Derrida l’appellerait déconstruction :
La déconstruction a lieu chaque fois que quelque chose arrive, ou que quelqu’Un arrive. L’expérience d’hospitalité inconditionnelle par exemple, de don, de pardon. Quand ce qui arrive désorganise le champs du possible, le champs de la réception, désorganise la réception. Comme un hôte inattendu et qui arrive, est un principe de désordre dans l’espace qui le reçoit. C’est à cette condition qu’il y a de l’hospitalité pure. Si celui qui arrive est invité, ne dérange personne, ce n’est pas de l’hospitalité. Donc, seul l’impossible arrive, d’une certaine manière. Et cela suppose plus d’une langue, c’est à dire qu’il faut là aussi que l’élément d’appropriation qui est constitué par la maîtrise d’un langage, d’une syntaxe, d’une grammaire, d’un sens même, d’une sémantique stabilisée, il faut que ça s’ouvre, que ça se laisse déranger par une autre langue, par la langue de l’autre. Donc il faut qu’il y ait plus d’une langue et une expérience de traduction impossible, d’une certaine manière, pour que quelque chose comme cette déconstruction advienne.
( Jacques Derrida )

- Le cycle récursif sidération/dé-sidération, Atlan l’appellerait auto-organisation par le bruit :
L’organisation d’un système, sa fonction, se trouve là dans le système, elle ne peut changer que sous l’effet de modifications externes, [...] mais ce qui vient de l’extérieur n’est pas toujours un programme. Ça peut être du bruit. Ce bruit peut être intégré à un certain état d’organisation du système de façon telle que le système ne sera pas détruit mais va évoluer vers un autre état d’organisation. [...] Contrairement à ce qu’on a cru, il n’y a pas de rupture abrupte entre le non-vivant et le vivant, il y a au contraire une continuité. On voit en biologie des molécules, non-vivantes, s’auto-organiser pour donner des cellules, vivantes. De même, à un autre niveau, des neurones dans le cerveau peuvent s’auto-organiser et produire des phénomènes déterminant les affects, ou la pensée, etc., alors qu’aucun des neurones individuellement ne pense quoi que soit évidemment.

- Le dérangement, Leibniz l’appellerait "inquiétude" : Notre corps ne saurait être parfaitement à son aise ; parce que, quand il le serait, une nouvelle impression des objets, un petit changement dans les organes, dans les vases et dans les viscères, changera d’abord la balance et les fera faire quelque petit effort pour se remettre dans le meilleur état qu’il se peut ; ce qui produit un combat perpétuel qui fait pour ainsi dire l’inquiétude de notre horloge... ( Leibniz - Nouveaux Essais ).

- La dé-sidération, Deleuze l’appellerait pensée :
Ce qui force à penser c’est le signe. (...) La création c’est la génèse de l’acte de penser dans la pensée elle-même. (...) Penser, c’est toujours interpréter, c’est-à-dire expliquer, développer, déchiffrer, traduire un signe. (...) Il n’y a que des sens impliqués dans des signes ; et si la pensée à le pouvoir d’expliquer le signe, de le développer dans une Idée, c’est parce que l’Idée est déjà dans le signe, à l’état enveloppé et enroulé, dans l’état obscur de ce qui force à penser. ( Gilles Deleuze - Proust et les signes )

- La sidération jusqu’à la désagrégation de la monade, Spinoza l’appellerait destruction de la chose :
AXIOME. Il n’y a pas de chose singulière, dans la nature des choses, qu’il n’y en ait une autre plus puissante et plus forte. Mais, étant donnée une chose quelconque, il y en a une autre plus puissante, par qui la première peut être détruite.
(Ethique IV, la servitude humaine - des forces des affects)

- Une in-formation fortuite, Shannon l’appellerait information :
L’entropie de la source d’information mesure l’incertitude du récepteur par rapport à ce que la source transmet. Si une source est réputée envoyer toujours le même symbole, disons la lettre ’a’, alors son entropie est minimale. En effet, un récepteur qui connait les statistiques de transmission de la source est assuré que le prochain signal sera un ’a’. Le récepteur n’a pas besoin de recevoir de signal pour lever l’incertitude sur ce qui a été transmis par la source car celle-ci n’engendre pas d’aléa. En revanche, si la source est réputée envoyer un ’a’ ou un ’b’, le récepteur est incertain. L’entropie de la source dans ce cas est non nulle (positive) et représente quantitativement l’incertitude qui règne sur l’information émanant de la source. Du point de vue du récepteur, l’entropie est la mesure de la quantité d’information qu’il lui faut obtenir pour lever complètement l’incertitude sur ce que la source transmet.

- Le mot "désir" est construit sur l’envers du mot "sidérer". A l’époque où on considérait que les étoiles (sidus en latin) et la voûte céleste étaient fixes, il y avait là haut le monde de la sidération, le monde de l’immobilité éternelle, et puis il y avait ici bas le monde du contraire de la sidération, la dé-sidération, le désir, qui était le monde du mouvement temporel, de la vie et de la mort. L’une des hypothèses qui peut être appliquée aussi sur le plan sociétal et pas seulement sur le plan personnel, c’est que lorsque l’on est dans une situation de sidération, on en sort que par l’énergie du désir.
( Patrick Viveret )

- .../...