Blog-note de jef safi

’p i c t o s o p h e r

avec . . jef safi
Allégorie de Camera Δ Obscura

Pour une ’pictosophie du vide médian . .

vendredi 17 octobre 2008

Deux sombres petites princesses, illuminées d’incertitude, deux petites caboches creuses, encombrées d’inquiétude, attendaient impatientes que la lumière les pénétrât et fît naître en elles une image vraie de la Réalité vraie.



Camera, en quête d’Absolu, veut tout ressentir sans chercher à comprendre. Tout percevoir, absolument Tout ! Le moment venu, elle décide de se laisser submerger par la plus violente énergie possible, toute sa sensibilité offerte à la jouissance de tout engloutir intensément, sans aucun jugement, sans penser une seconde avec ces mots qui obscurcissent l’esprit plus qu’ils ne l’éclairent. Elle installe un film hypersensible qu’elle poussera au développement malgré son gros grain. Elle ouvre son diaphragme au maximum, longtemps, et s’abandonne à l’ivresse extatique d’absorber sans retenue tout le flot entropique de la Réalité Vraie qui s’engouffre en elle.

Obscura, en quête d’Universel, veut tout comprendre sans se laisser émouvoir. Tout concevoir ! Absolument tout ! Le moment venu, elle décide d’analyser avec la plus grande profondeur de champ possible, toute son intelligence concentrée à tout discerner avec finesse, sans la moindre distorsion, sans céder à la tentation de croire à ces apparences qui éblouissent plus qu’elles n’éclairent. Elle installe un film à grain hyper-fin qu’elle développera rudement pour compenser sa faible sensibilité. Elle ouvre dans son diaphragme un interstice minuscule, un infime instant, et concentre toute sa minutieuse lucidité à détecter le sens du moindre photon de Réalité Vraie qui parvient à s’infiltrer en elle.

La morale de cette histoire ? Tous les photographes vous la dirons !

Camera obtient l’image la plus lumineuse qui soit, c’est à dire l’image la plus floue à la fois, d’un blanc aussi immaculé qu’uniforme.

Obscura obtient l’image la plus nette qui soit, c’est à dire l’image la plus sombre à la fois, d’un noir aussi immaculé qu’uniforme.

Laquelle a tort ou raison ? Laissons cette dichotomie manichéenne à tous les donneurs de leçons stupides, à tous les castrateurs en théologie du mal et du bien, à tous les marchands de bonnets d’âne du saint marché des bons-points, à tous les coureurs de records à podiums et collectionneurs d’échecs à médailles.

Observons plutôt, comment la reliance de leurs expériences respectives leur apporte finalement la réponse dialogique à la question initiale : Quelle image peut-on discerner de la Réalité Vraie ? Quelle est l’épaisseur des apparences ?



Désormais, lorsqu’elles choisissent une ouverture et un temps de pause susceptibles de former des images moins aveuglées, Camera et Obscura sentent se former en elles quelques soupçons de Réalité Vraie, des images aussi pauvres de Sensibilité Absolue que démunies de Connaisssance Universelle, mais des images merveilleuses et magiques, aussi riches de signes ambivalents que de sèmes ambigus, illuminées de formes et de couleurs inattendues, d’innonbrables demiVérités.

Elles sont devenues sages lorsqu’elles cherchent, seulement parce qu’elles cherchent. Elles sont devenues sages lorsqu’elles s’interrogent sur ce que pensent et ressentent profondément, les autres petites chambres obscures. Lorsque de temps en temps, interconnectées sur le réseau des réseaux des camera obscura, elles se racontent leurs éblouissements respectifs et partagent leurs aveuglements réciproques.

Elles sont devenues sages, désespérément joyeuses d’être des mémoires qui résistent à l’Entropie ; désespérément joyeuses d’être sensibles à l’infime surface visible de l’inconnaissable ; désespérément joyeuses d’être à la fois transcendantes et illusoires, sur le fil du rasoir, dans le souffle du Vide Médian.