Blog-note de jef safi

’p o é s i r

avec . . Raymond Queneau
L’atome primitif

vendredi 14 janvier 2011

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hyper leur quatre trucs éclatement burlesque
atome insuffisant atome gigantesque
rien à rien suffisant tout au tout romanesque
le monde était moins vieux que les supputations
et la terre moins grû que quelque pute à Sion
la terre était bien vierge et bien bouillonnaveuse
quelque constellation se penche un peu baveuse
sur des destins humains et des destins d’homards
tandis que le miel coule en la fesse argentée
des coquilles bleuies d’âge en âge hantées
par un diogène ermite à des noms raccordés
bernard de tout succinct crabe de tout refus
tandis que le salpêtre au frontière s’éloigne
des sources de soleil très indistinct témoign-
age que des brouillons plus précis étalés
jeunesse oh jeunesse oh jeunesse nébuleuse
la terre t’a comptée en tes éloignements
et les muscles du sol se striaient savamment
en suivant la part fauve à la course impérieuse
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réservée en l’instant par un calcul d’algèbre.
Autrefois les chiffres hameçons de zéros
infiniment variés mijotaient en l’atome
indéfiniment nus indéfiniment sots
mais leur compte était bon et les voici vaillants
chevauchant l’explosion oh jeunesse oh jeunesse
que le graphe était beau sillon d’entre tes fesses
nébuleuse obstinée en ton éclatement
jaillissant d’un point cru du zest de tous les mondes
encore inépluchés encore tout enfants
et les ombres bagarraient en leur solitude
et les voici vainqueurs chevauchant l’amplitude
de l’abcès poinçonné du germe jaillissant
de la croûte disloque et du feu magistral
de la pustule expue et du grain vertical
et les voici connards en leur satisfaction
de se joindre couillards en leurs additiions
de se retirer cons en leurs soustractiions
et de se reproduire en multiplications
et de bien s’effondrer en toute division
de grandir à fond dtrain en exponentiation
et de se lambiner en simples logarithmes
jeunesse oh jeunesse oh quand un chatouillait deux
sans savoir que son foutre en extrairait le tiers
quand les signes d’algèbre amollissaient leurs jeux
quand les égalités reposaient dans le foie
alors analcoolique en l’atome adipeux
et que l’informe quatt ptit spermatozoïde
attendait de jouxter l’ovule arithmoïde
quand le pus des erreurs ne dégoulinait pas
de la preuve par neuf ou de l’orgueil comptable
oh jeunesse oh jeunesse alors à cette table
où le néant bouffait le déjeuner instable
des possibles conflits en une identité
survint la loi tranchante et indécomposable
lança des trous d’être en l’indéfinité.
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Petit arbre veineux petit bleu coquillage
135
on ne sait d’où tu viens Les étoiles galopent
Des mondes l’entre deux s’étale en une plage
dont on compte les voix tout comme en un gallup
petit vert autobus petit rouge meurtri
petit indigo bleu petit vert orangé
petite roue à crans petite jambe à jante
petit spectre d’azur petit mont de granit
petit orage mûr petite ère indulgente
un pinçon hors du temps a largement suffi
pour déclencher votre heure à l’horloge offensante
où l’espace au nez creux insolemment s’inscrit
La terre se formait Vives les nébuleuses
se trissaient en formant un espace au nez creux
pour que la terre y fît son nid où l’arbre bleu
le veineux coquillage et le rouge autobus
et tous les vers meurtris toutes les roues à jantes
et les jambes à cran et les monts de granit
s’y forassent leur trou s’y fondissent eux-mêmes
oh jeunesse oh jeunesse oh ce soleil voilé
du viol de l’indigo des volets du violet
et des pleins de l’azur et des touches de rouge
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et des chaleurs du jaune oh lumière oh jeunesse


Raymond Queneau, L’atome primitif

L’atome primitif, l’âge du monde, la nébuleuse primordiale (79-98). Les nombres (98-134). L’éclatement de l’atome primitif (79-134) donne naissance à la variété des choses représentée par l’arc-en-ciel (135-157)

cf. Les poètes et l’univers, Jean-Pierre Luminet (Encyclopédie de l’Agora)